RÉFRACTAIRES (MATÉRIAUX)

RÉFRACTAIRES (MATÉRIAUX)
RÉFRACTAIRES (MATÉRIAUX)

On qualifie habituellement de réfractaire un corps solide dont le point de fusion se situe au-dessus d’une certaine température. La distinction entre réfractaire et non réfractaire paraît donc arbitraire, car cette température limite s’est progressivement élevée. On l’estime actuellement égale à 1 800 0C, ce qui correspond au plafond des températures usuellement atteintes dans l’industrie. Le concept de réfractaire ne s’applique pas seulement, pour un matériau, au fait de posséder un point de fusion élevé. Il se rapporte aussi à une combinaison complexe d’autres propriétés telles que haute dureté, basse tension de vapeur, faible vitesse d’évaporation, résistance à certains milieux corrosifs, résistance mécanique à haute température et propriétés thermiques et électriques spécifiques. Il est donc nécessaire de rechercher pour ce terme de réfractaire une signification plus profonde pouvant rendre compte de ces propriétés. On ne sait pas encore relier simplement le point de fusion à l’énergie de cohésion d’un solide. Cependant, le caractère de «réfractairité» semble exiger une valeur élevée de cette énergie. On s’intéressera donc à la nature de la liaison chimique entre les atomes du solide, et cet examen est à la base d’une classification des matériaux réfractaires proposée par G. V. Samsonov.

Classification

Dans la majorité des composés réfractaires, la liaison chimique semble être essentiellement métallique ou covalente; il existe cependant une part de liaison ionique et, pour les oxydes par exemple, celle-ci peut être très importante. De telles liaisons se produisent normalement lors de la combinaison d’un métal et d’un «métalloïde» tel que le bore, le carbone, le silicium, l’azote, le soufre et le phosphore. En effet, l’écart entre les coefficients d’électronégativité n’est pas suffisant pour induire la formation, de façon prépondérante, d’une liaison ionique. On retrouve ce même caractère au niveau de composés de métalloïdes ou de composés intermétalliques.

Les éléments qui peuvent conduire à des composés réfractaires par combinaison entre eux apparaissent sur le tableau 1. On distingue trois classes: les métaux de transition et composés intermétalliques qui en dérivent; les composés entre métalloïdes tels que, par exemple, les carbures, nitrures, sulfures, phosphures de bore et de silicium (on y inclut également les éléments réfractaires: bore et carbone); les composés d’un métal et d’un métalloïde (borures, carbures, nitrures, oxydes, siliciures et sulfures).

Les points de fusion Tf de ces éléments et composés réfractaires (f , fusion; s , sublimation; d , décomposition) sont indiqués dans le tableau 2.

La première classe comprend essentiellement les métaux de transition . Les températures de fusion de ces éléments croissent régulièrement avec l’énergie de cohésion, et les métaux réfractaires correspondent à des valeurs élevées de cette énergie. La forte cohésion des métaux de transition est généralement attribuée à une interaction des électrons des couches d incomplètes de l’élément par suite de liaisons que certains assimilent à des liaisons covalentes. Pour les trois premières périodes de la classification périodique (tabl. 1) relatives aux métaux de transition, le point de fusion passe par un maximum pour le groupe VI quand la couche d des éléments de chacune de ces périodes est à moitié remplie.

La deuxième classe correspond à certains métalloïdes ou à des combinaisons de métalloïdes. Ces corps possèdent une énergie de cohésion élevée qui résulte plus particulièrement de l’établissement de liaisons covalentes, un exemple typique étant celui de la structure du diamant. Les divers éléments qui peuvent être impliqués dans les combinaisons (silicium, bore, soufre, carbone, azote) présentent des différences d’électronégativité assez faibles, ce qui explique l’établissement de liaisons covalentes. Cependant, on note une augmentation de la part des liaisons ioniques en fonction de l’accroissement de cet écart entre deux éléments considérés.

Au niveau de la troisième classe, il convient d’abord de distinguer du cas des autres composés celui des oxydes et celui des composés à base de béryllium , de magnésium et d’aluminium . On rattache les composés de ces trois éléments légers (carbures, nitrures, siliciures) au groupe précédent en raison du caractère plutôt covalent de leurs liaisons. Cela précisé, une caractéristique importante de cette dernière classe est que la liaison chimique fait intervenir des électrons d’une couche relativement profonde (du type d ou f ) des métaux de transition. On admet que, dans le cas des métaux alcalino-terreux, où cette possibilité n’existe pas, des états énergétiques correspondant à ce niveau peuvent intervenir. Si l’on met à part les oxydes, ces composés présentent pour la plupart un caractère métallique dominant. Cela vaut particulièrement pour les composés interstitiels des éléments de transition des types carbure, nitrure et borure: les atomes du métalloïde, de petites dimensions, s’insèrent alors dans le réseau du métal. En fait, la proportion de liaisons métalliques peut être variable suivant le métalloïde considéré ou, pour un élément donné, suivant le nombre d’atomes de métalloïde présents dans le réseau. Ainsi, on forme des phases de type métallique avec les borures du type M2B (M représentant le métal), mais la proportion de liaisons métalliques décroît avec l’augmentation du rapport B/M au profit de liaisons covalentes entre atomes de bore. Il en est de même des siliciures. Les carbures possèdent, en général, un caractère plus franchement métallique; c’est le cas des monocarbures de titane, zirconium, hafnium et vanadium. Dans les nitrures, apparaît une liaison à caractère ionique. Ce type de liaison est affirmé pour les nitrures non réfractaires de molybdène, tungstène et rhénium et les nitrures de niobium, tantale et chrome présentent une combinaison à peu près égale de liaisons de type métallique et de type ionique.

Le cas des oxydes doit être traité à part. Ce sont en effet des composés typiquement ionocovalents. Ils présentent les trois formules chimiques suivantes: MO, M23, M2. En ce qui concerne les premiers, de structure cubique type NaCl, le caractère ionique augmente de MgO à BaO, tandis que BeO est de structure hexagonale de type wurztite et présente plusieurs caractères d’un composé covalent. Les oxydes de type M23, à l’exception de Cr23, ont une énergie de cohésion très élevée pour le point de fusion. Les sesquioxydes de lanthanides et d’actinides sont susceptibles de présenter des formes cristallines très diverses en fonction de la température. De leur côté, les oxydes réfractaires du type M2 présentent, dans leur majorité, la structure de type fluorine (ou de type fluorine déformée). Ces derniers oxydes (ThO2, Hf2, U2, Zr2) sont parmi les plus réfractaires.

Propriétés de haute température

Stabilité

La stabilité est une propriété essentielle pour les applications à haute température [cf. CÉRAMIQUES INDUSTRIELLES], et le problème ne peut être dissocié de celui du comportement du matériau par rapport à l’atmosphère gazeuse coexistante. Celle-ci joue un rôle capital, tant par sa nature que par la valeur de sa pression. Dans le vide, les métaux, le graphite et un bon nombre de composés interstitiels des éléments de transition présentent des vitesses d’évaporation peu élevées, même à très haute température. En revanche, les composés entre métalloïdes fondent en se décomposant ou se décomposent avant de fondre. Les oxydes peuvent se vaporiser à l’état de molécules, mais aussi en donnant les atomes constitutifs ou des sous-oxydes; en général, il existe des équilibres assez complexes sur lesquels semble influer fortement la pression partielle d’oxygène.

Vis-à-vis d’atmosphères oxydantes , les oxydes sont les plus résistants [cf. CÉRAMIQUES INDUSTRIELLES]; la thorine permet d’étendre le domaine d’utilisation des réfractaires en atmosphère oxydante jusqu’à 2 700 0C. Le domaine d’utilisation des métaux est beaucoup moins étendu et seuls peuvent convenir les métaux nobles, à moins d’utiliser des revêtements protecteurs. En atmosphère légèrement oxydante, l’iridium peut être employé jusqu’à 2 200 0C, mais la limite pratique est plutôt de l’ordre de 1 800 0C (limite d’utilisation des alliages platine-rhodium). Certains siliciures, borures et carbures peuvent être utilisés jusqu’à des températures relativement élevées dans ces conditions; la limite, là aussi, est cependant de l’ordre de 1 800 0C. Signalons le comportement intéressant du carbure de silicium (SiC), qui est en quelque sorte autoprotégé grâce à la formation d’une couche de silice (SiO2) superficielle.

En atmosphère réductrice , les métaux présentent la plus grande stabilité. En revanche, un grand nombre de réfractaires couramment utilisés (comme SiC) subissent l’attaque de l’hydrogène atomique provenant de la dissociation de H2 à haute température. Parmi les oxydes, l’alumine présente une assez bonne résistance.

Propriétés mécaniques

Au-dessus de 2 000 0C, pour l’ensemble des réfractaires, la résistance à la flexion devient très faible. Seuls le tungstène, le rhénium, le graphite et le nitrure de bore conservent une résistance de l’ordre de dix millions de pascals. La gamme de matériaux de résistance convenable à la compression est un peu plus étendue (alumine et oxyde de béryllium, borures de zirconium et de titane, carbures de titane, de zirconium et de tungstène). En fait, ces propriétés sont fortement influencées par le procédé de fabrication et même par la forme sous laquelle se présente le matériau.

Propriétés électriques et thermiques

Les propriétés électriques et thermiques dépendent très étroitement de la température. Ainsi les oxydes, considérés comme des isolants électriques à température ambiante, deviennent relativement conducteurs à température élevée. En revanche, les métaux, naturellement bons conducteurs électriques, voient leur résistivité s’élever avec la température. Il en est de même pour les carbures et les borures des métaux de transition. Cependant, même pour les oxydes les plus conducteurs comme le chromite de lanthane, l’ordre de grandeur demeure différent entre les résistivités des oxydes et celles des métaux, le rapport étant au minimum de 103 vers 2 000 0C. Mais cette différence n’empêche pas l’utilisation de l’une ou l’autre classe de ces matériaux comme résistance électrique à haute température; on peut procéder à un choix en fonction de la nature de l’atmosphère. Inversement, il existe peu de réfractaires réellement isolants à haute température, c’est-à-dire dont la résistivité soit supérieure à 103 行 au-dessus de 1 500 0C. Les corps les plus intéressants de ce point de vue sont l’oxyde de magnésium et le nitrure de bore (MgO et BN).

Les propriétés thermiques recouvrent la capacité thermique massique, la conductivité thermique, l’émissivité et la réflectivité dans le domaine spectral du rayonnement thermique. À haute température, une grande partie des échanges a lieu par rayonnement. Ainsi la conductivité thermique ne peut donner qu’une idée très imparfaite du comportement du matériau. En se limitant à l’examen de cette grandeur, on peut dire que, si les métaux et des corps comme le graphite et l’oxyde de béryllium sont assez bons conducteurs, les oxydes sont des isolants satisfaisants. En fait, pour ces derniers, on note à partir de 1 500 0C une croissance de ce facteur (alors qu’au-dessous il y avait diminution avec la température), due à la contribution du rayonnement à la conductivité.

Il convient enfin de citer, parmi les réfractaires, les néocéramiques et les composites, qui trouvent des applications nombreuses dans l’industrie aérospatiale, en particulier (cf. CÉRAMIQUES INDUSTRIELLES et matériaux COMPOSITES À FIBRES).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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